Maître de conférence au sein de l’équipe du Dr Cécile Duplàa, dans l’unité Inserm U1034 dirigée par le Pr Thierry Couffinhal, Claire Peghaire a obtenu le prix du programme SPARK Bordeaux 2024 parmi 8 lauréats pour son projet de repositionnement de médicaments pour soigner la maladie des petits vaisseaux cérébraux. Entretien.
Parlez-nous de vous, quel est votre parcours ?
Je suis diplômée d’un doctorat de pharmacie et d’un doctorat de science spécialité Biologie cellulaire, Physiologie et Pathologie (2014) de l’université de Bordeaux.
Mes travaux de thèse (Inserm U1034 Biologie des Maladies cardiovasculaires, Pessac, France) ont porté sur l’étude du rôle du récepteur Frizzled7 dans l’angiogenèse physiologique et pathologique via la régulation de la voie Wnt/β-caténine.
Au cours de mon postdoctorat au National Heart and Lung Institute (Imperial College London, Londres, Royaume-Uni) avec la Pr Anna Randi (2015-2020), j’ai développé des projets sur la régulation de l’hémostase et de l’homéostasie vasculaire par le facteur de transcription endothélial ERG et son implication dans les pathologies microvasculaires.
Nommée maître de conférences en 2021 à l’université de Bordeaux et à l’Inserm U1034, mes recherches actuelles visent à :
- étudier la contribution de la dysfonction endothéliale et des lésions vasculaires dans la pathogenèse des maladies vasculaires cérébrales et des troubles cognitifs,
- identifier de nouveaux acteurs moléculaires et cibles thérapeutiques impliqués dans la maladie des petits vaisseaux cérébraux en utilisant des approches complémentaires et innovantes in vivo et in vitro.
Qu’est-ce que le repositionnement de médicaments pour soigner la maladie des petits vaisseaux cérébraux ?
Le repositionnement de médicaments consiste à utiliser des médicaments déjà commercialisés pour traiter une maladie différente de celle de l’indication d’origine. En effet, malgré les progrès technologiques, le développement d’un nouveau médicament est un processus long et coûteux.
Quinze années de recherche et de développement sont généralement nécessaires avant la mise sur le marché d’un nouveau médicament.
La stratégie de repositionnement de médicaments permet ainsi de gagner du temps et de l’argent car l’innocuité du médicament a déjà été éprouvée lors d’essais cliniques.
Dans le cadre de la maladie des petits vaisseaux cérébraux, notre objectif est de tester, dans notre modèle préclinique innovant de cette pathologie, l’effet de molécules antioxydantes déjà utilisées en clinique dans le traitement d’autres maladies neurodégénératives.
Pourquoi vous intéressez-vous à ce sujet ?
La maladie des petits vaisseaux cérébraux est une pathologie vasculaire chronique et progressive prédisposant à la démence vasculaire et à la maladie d’Alzheimer. Cette maladie est l’une des principales causes de la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et contribue au déclin cognitif. Elle est associée à des facteurs environnementaux (âge, hypertension…), mais la cause précise de cette maladie reste inconnue.
S’il est possible de limiter certains facteurs de risque, il n’existe aucun traitement curatif. En raison du vieillissement des populations, la maladie des petits vaisseaux cérébraux représente donc un défi croissant pour la santé publique.
Une meilleure compréhension du processus de développement de la maladie (sa pathogenèse) est donc essentielle pour développer des stratégies thérapeutiques visant à améliorer les fonctions cognitives chez les patients.
À partir de larges données de génomiques humaines générées par la Pr Stéphanie Debette dans le cadre du consortium RHU-SHIVA, nous avons découvert une nouvelle cible biologique de la maladie des petits vaisseaux cérébraux, TRIM47, présente au niveau des vaisseaux sanguins du cerveau et plus spécifiquement des cellules endothéliales qui bordent ces vaisseaux sanguins.
Nous avons récemment démontré que TRIM47 protège les cellules endothéliales du stress oxydant via l’activation de la voie de signalisation antioxydante contrôlée par le facteur de transcription NRF2. Notre modèle chez la souris, dans laquelle nous avons enlevé la protéine Trim47, permet de reproduire les principaux symptômes de la maladie humaine et démontre que le système TRIM47/NRF2 est essentiel au maintien de la bonne santé du cerveau (brevet international : WO/2024/047248 et article preprint sur bioRxiv).
Quels sont les résultats attendus ?
En France, on estime que plus de 5 millions de personnes, âgées de 65 et plus, souffrent d’une maladie des petits vaisseaux cérébraux (40 millions en Europe) et pourraient bénéficier de stratégies de prévention pour éviter ou retarder les AVC, la démence vasculaire et le vieillissement cérébral.
L’objectif de notre projet est de tester une stratégie de repositionnement de médicaments antioxydants qui sont activateurs de la voie protectrice NRF2 sur notre modèle murin de la maladie des petits vaisseaux cérébraux, afin d’évaluer leur capacité à prévenir la dysfonction vasculaire et neuronale, ainsi que les troubles cognitifs chez l’animal.
L’utilisation de technologies de pointe d’imagerie cérébrale et de tests de comportement chez la souris pour étudier des symptômes présents chez l’homme nous apportera une meilleure compréhension des mécanismes impliqués et validera la pertinence de cibler cette voie TRIM47/NRF2 pour lutter contre cette maladie.
Nous espérons que les résultats de cette étude translationnelle nous permettront la mise en place d’essais chez l’homme, afin de transposer notre recherche en clinique.
Que vous apporte le programme SPARK Bordeaux ?
Le programme SPARK Bordeaux est un programme qui offre un mentorat sur mesure pendant 2 ans. L’objectif est d’augmenter les chances de transformer nos résultats de recherche en véritables solutions cliniques concrètes pour les patients.
En tant que porteuse de projet, ce programme va me permettre de rencontrer des experts industriels au niveau local et international et d’obtenir ainsi de précieux conseils pour le développement de notre projet. En effet, ce projet de repositionnement de médicaments a pour finalité de donner des résultats précliniques robustes qui nous permettront de démarrer potentiellement un essai clinique avec des industriels.
SPARK Bordeaux nous donne l’opportunité de recevoir un soutien précieux lors des étapes clés de notre projet, de nous éveiller et de nous former à l’entreprenariat, à la création d’une start-up et aux prérequis nécessaires pour la mise en place et le développement d’un essai clinique avec une molécule déjà connue.
Plus largement, ce programme est une opportunité fabuleuse pour valoriser les résultats de notre recherche qui seront réalisées au sein de l’Inserm U1034, et ce, dans le cadre de l’institut VBHI.
Plus d’infos :
- Article scientifique en preprint : Cerebral Small Vessel Disease genetic determinant TRIM47 controls brain homeostasis via the NRF2 antioxidant system, Cécile Duplàa, Valentin Delobel, Romain Boulestreau, Sébastien Rubin, Juliette Vaurs, Béatrice Jaspard-Vinassa, Muriel Busson, Cloé Combrouze, Carole Proust, Jean- Luc Morel, Bruno Bontempi, Aniket Mishra, Stéphanie Debette, Thierry Couffinhal, Claire Peghaire
bioRxiv 2024.10.08.616723; doi: https://doi.org/10.1101/2024.10.08.616723 - Programme SPARK Bordeaux : https://spark.u-bordeaux.fr/en/
EM